Ce billet est le deuxième d’une série de trois billets qui s’appuient sur les notes prises à l’occasion d’événements virtuels ayant lieu dans la lignée du NextGen Enterprise Summit 2020, lui-même organisé par Holaspirit, Maif, Manpower, Octo Technology et l’ESSEC.
David Autissier, Résilience Organisationnelle : le nouveau défi managérial
David Autissier est Maître de conférences HDR à l’IAE Gustave Eiffel de l’Université de Paris Est Créteil. Il enseigne le management, les systèmes d’information et la conduite du changement. Il est également Directeur de la Chaire ESSEC du changement et de la Chaire ESSEC IMEO (Innovation Managériale et Excellence Opérationnelle). Ses travaux de recherche traitent des problématiques de changement et de management dans une perspective de recherche-action avec des entreprises.
Il faut reconnaître que la crise de la COVID-19 joue le rôle d’accélérateur de la transformation des modes de travail des entreprises.
Jusque-là, la norme en matière d’organisation et de management restait très majoritairement le « Command & Control » et les modes collaboratifs ou participatifs ne faisaient le plus souvent que l’objet d’expérimentations « par l’absurde », débouchant régulièrement sur des sentences du genre « l’entreprise libérée, je connais, j’ai essayé, ça ne fonctionne pas ».
Cela étant, les organisations ont la nécessité de répondent à trois besoins ontologiques vis à vis de leurs collaborateurs/équipiers :
- Besoin de sécurité (apportée par l’organisation [entreprise, ville, État]).
- Besoin d’avenir (projection à long terme et à court terme).
- Besoin de reconnaissance (financière ou non).
Or, les boucles d’engagement sont cycliques.
En matière d’engagement, l’important, c’est davantage le mouvement créé par les structures que les structures en elles-mêmes.
Dans le contexte sanitaire actuel, la question de comment manager à distance a émergé rapidement, d’autant que nous avons à gérer le « syndrome de la cabane » : les collaborateurs ont un confort de travail plus important à domicile et apprécient l’économie de 48 minutes de trajet en moyenne par jour, en France.
La résilience des personnes face à une situation émotionnellement difficile émerge des notions d’ambiguïté et d’équivocité qui permettent le récit de chacun de ce qu’il a vécu (cf. les travaux du psychologue Karl E. Weick). La carte mentale du réel a une fonction explicative collective et de passage à l’action. Le motif (pattern) principal de la carte mentale du réel actuel est la répartition du travail entre le présentiel et le distanciel.
Pour que des personnes aient un lien collectif fort, il faut qu’elles passent 3 jours consécutifs ensemble.
On comprend alors que la question de 2 ou 3 jours de télétravail par semaine n’est donc probablement pas bien posée dans la mesure où la semaine n’est pas la bonne unité de temps. La répartition entre présentiel et distanciel du temps de travail devrait plutôt s’envisager sur 15, 30 voire 60 jours.
Il est important de prévoir des temps de re-socialisation suffisamment longs (10 minutes au café ne suffisent pas !) et réunissant tout le monde. On ne peut pas exclure la possibilité de faire de la réactivation sociale à distance mais alors peut-être seulement pour les personnes qui se connaissent déjà et pour un groupe de taille réduite (3 à 5 équipiers).
S’agissant du travail à distance, il faut s’attacher à ce que les personnes concernées soient toujours bien incluses, notamment lors des sessions de visio-conférence qu’il est d’ailleurs préférable de maintenir courtes (20 minutes maximum).
Il y a apprentissage lorsque quelqu’une personne vit une expérience et qu’elle en fait le récit au collectif.
Que doivent donc faire les entreprises ? Échanger avec leurs équipiers sur les expériences qu’ils ont tentées en s’étant donné au préalable un planning et voir ce qui a fonctionné et n’a pas fonctionné. Cela n’est pas sans rappeler ce qui se fait de manière habituelle dans le cadre des méthodes agiles.
Les managers sont les gardiens du temple du collectif. Ils se doivent par conséquent d’avoir de l’attention (care) pour leurs équipiers et c’est également à eux d’assurer le rythme, le « closing ».
Le management est un comportement et il se réapprend, continuellement.