« Et si je m’ouvrais, de moi-même – bien qu’étant le « patron » –, à une relecture critique régulière d’à peu près toutes les sortes d’écrit que je suis amené à produire ? »
Tels sont, en substance, les termes de la question qui m’est venue fin 2012, quelques temps après la migration du code source de nos différentes applications sur GitHub.
N.B. : je ne parle pas de relectures systématiques mais de relectures fréquentes, « coutumières ».
Autant cela paraissait complètement naturel pour le code source (les fameuses « code reviews ») ou, même, de rigueur pour une documentation utilisateurs, autant ça l’était beaucoup moins (en tout cas à l’époque) pour tout ce qui était, par exemple, présentation commerciale, wiki interne, compte-rendu de réunion ou… courriel.
Le leader n’est pas « tout compétent »
Avec le recul, l’adoption de cette pratique en apparence anodine s’est avérée très bénéfique à plusieurs titres (outre le fait qu’elle nous a lancés sur le chemin de la « sollicitation d’avis » mais, ça, c’est une autre histoire qui fera probablement l’objet d’un autre billet) :
La première vertu, sans surprise, est de gagner en qualité du rédactionnel et de l’information délivrée, aussi bien au niveau de la forme (orthographe, grammaire, choix des mots, tournures de phrase, structure, clarté) que du fond (véracité et justesse). C’est, à vrai dire, une véritable aubaine de pouvoir travailler le propos autrement qu’à travers les canaux dominants de notre époque que sont tous nos SMS, tweets et autres messages instantanés truffés de raccourcis et d’émoticônes.
La deuxième est d’enrichir, en elle-même, la dynamique de co-construction en fournissant aux coéquipiers sollicités des opportunités supplémentaires d’apporter leur valeur mais, surtout, en les impliquant sur des thèmes sortant régulièrement des sentiers battus (exemples : relecture critique par un ingénieur système d’une présentation commerciale ; relecture critique par un développeur d’un courriel concernant l’organisation d’une formation).
La troisième est de susciter l’engagement des coéquipiers en actant humblement et ouvertement qu’un leader n’est pas « tout compétent » (quelle surprise !) et qu’il sait devoir s’appuyer continûment sur eux pour que l’entreprise atteigne les buts qu’elle poursuit et remplir ses missions.
La quatrième, plus subtile mais de loin la plus importante à mes yeux, est de fournir l’occasion d’exprimer avec transparence, au jour le jour, une part de l’intention et, ainsi, de nourrir l’identité de l’entreprise car un leader reste porteur/relayeur de la vision.
Un rôle central dans la relation de confiance
Au-delà de ces bénéfices, il est intéressant de constater qu’après plusieurs années, cette pratique est entrée spontanément en résonance chez nos coachs d’équipe (nos « senpai » comme j’aime les voir) à la différence près, peut-être, que les demandes de relecture se font dans de moindres proportions et principalement entre pairs (dans lesquels je m’inclus).
Par ailleurs, un enseignement important est qu’il demeure crucial pour la réussite de la démarche que le relecteur ne se départisse jamais de sa bienveillance, sans quoi, sa critique aura davantage tendance à être reçue par le demandeur comme des « reproches » (sens négatif du terme) plutôt que comme des « appréciations » ou « suggestions » (sens positif/constructif du terme).
À bien y réfléchir, tout en étant peu spectaculaire, l’adoption de la relecture critique « coutumière » a constitué le premier geste de leadership libérateur. Aujourd’hui, elle continue de jouer un rôle central dans la relation de confiance (enfin j’espère ^^’) que j’ai nouée avec mes coéquipiers, mêlant écoute et guidance.
Je ne peux que vous encourager à tenter l’expérience, en faisant preuve de patience et en restant à l’écoute des « signaux faibles ». Le jeu en vaut sincèrement la chandelle.
Si tel est le cas, n’hésitez pas à me faire part de vos retours (et découvertes ?)
P.-S. : il va de soi que ce billet a lui-même été soumis à relecture critique ^^